L’avenue Charles de Gaulle devient désormais l’avenue Djibo Bakary, et un monument clé est totalement refait avec une plaque à l’effigie de Thomas Sankara. Le régime militaire au pouvoir au Niger a rebaptisé le 15 octobre plusieurs lieux historiques de Niamey, autrefois associés à la France, ancienne puissance coloniale dont ils se sont résolument éloignés depuis le coup d’État du 26 juillet 2023. Cette décision s’inscrit dans une volonté claire de réaffirmer l’indépendance nationale et de se débarrasser des symboles de l’influence française, un processus enclenché depuis l’éviction des troupes françaises et l’expulsion de l’ambassadeur de France.
Lors d’une cérémonie orchestrée avec solennité et marquée par de la musique militaire, les hauts cadres du régime militaire ont inauguré les nouveaux noms de ces lieux emblématiques. Le colonel-major Abdramane Amadou, ministre de la Jeunesse et porte-parole du régime, a dénoncé la symbolique coloniale des anciennes dénominations : « La plupart de nos avenues, boulevards, rues (…) rappellent les souffrances et les brimades subies par notre peuple durant la colonisation. » L’avenue du général de Gaulle devient ainsi l’avenue Djibo Bakary, figure du militantisme pour l’indépendance du Niger, tandis que le monument dédié aux morts des deux guerres mondiales se transforme en « Bubandey Batama, » rendant hommage à toutes les victimes civiles et militaires de la colonisation à nos jours.

Le régime nigérien poursuit ainsi une rupture marquée avec la France, dans un contexte où Niamey s’aligne de plus en plus sur ses voisins, le Mali et le Burkina Faso, également dirigés par des militaires ayant renversé les régimes civils. La place de la Francophonie est rebaptisée « Place de l’Alliance des États du Sahel » (AES), en référence à la confédération formée par ces trois pays, qui ont tous été suspendus par les instances de la Francophonie après leurs coups d’État.
L’initiative de débaptisation reflète la montée des sentiments panafricanistes et anti-français dans la région, guidé par la vision de Thomas Sankara, célébré pour sa lutte contre l’impérialisme et pour l’émancipation des peuples africains. Le colonel Amadou a salué la « lutte de libération » de Sankara, dont l’héritage inspire toujours les populations du Sahel. Pour les autorités nigériennes, ces changements marquent une nouvelle ère, symbolisant la souveraineté retrouvée du pays face à l’influence de l’ancienne métropole.
Oumarou Adourahamane, président de l’ONG Urgence Panafricaniste au Niger, a salué ces changements : « Ça n’a pas de sens que nos rues continuent de porter les noms d’anciens colons (…) c’est une justice qui est rendue en rebaptisant ces lieux, en y mettant les noms de nos héros. » Cette rupture avec les symboles coloniaux témoigne d’une redéfinition de l’identité nationale et des alliances stratégiques, notamment avec des pays comme la Russie et la Chine, perçus comme des partenaires plus respectueux de la souveraineté africaine.