Le 13 octobre de chaque année, le monde célèbre la journée internationale pour la réduction de risques des catastrophes. La particularité de cette année, les catastrophes hydrométéorologiques au Sahel, sont meurtrières et dévastatrices. De la Guinée au Tchad, les inondations ont fait un millier de morts, trois millions des sinistrés sans oublier les hectares de champs et cultures ravagés.
Le Tchad entre sècheresse et inondations
Le Tchad, l’un des pays les chauds et secs de la planète (PNUD), depuis deux décennies, subit de plein fouet les affres du changement climatique : hommes, animaux et biens ne sont épargnés. Pour cette année 2024, encore plus atroces que celles des années antérieures, les catastrophes naturelles ont prouvé les limites des stratégies déployées et aggravé davantage la vulnérabilité des personnes touchées. A cet effet, le bilan établi par l’OCHA fait ressortir pour le moment 576 morts, 119 départements concernés sur les 125 que compte le pays, 217 000 maisons détruites, 432 000 hectares de champs ravagés et 72 000 têtes de bétail noyés. Suivant ces estimations, plus de 10% des compatriotes sont durement affectés avec un plan de contingence évalué à 129 millions de $ US.
A titre de réponse gouvernementale, si les 1 500 sacs de vivres sont mis à la disposition de chaque province, il faut se dire que la distribution semble biaisée ; pour ne pas dire trop limitée. Sur le terrain à N’Djaména, faute d’identification et de ciblage, des confusions se sont observées sur la nature de l’aide apportée et les bénéficiaires. Il est même arrivé que les bénéficiaires de cette aide aient fait la manche dans les différents arrondissements de la capitale pour obtenir un à deux sacs, puis les vendre sur le marché à vil prix (10 000 FCFA). Point de décrire les scènes de misère et éhontées dans les points de distribution.

Sans complaisance, les catastrophes naturelles telles que les inondations, les famines et les sécheresses, se gèrent différemment d’une crise ou un conflit communautaire. D’abord sans la connaissance du cycle de gestion de catastrophe, on tournerait toujours en rond et, in fine être approximatif et redondant. En ce sens, l’aide humanitaire apportée aux personnes touchées par les inondations comme réponse ne constitue qu’un palliatif, une goutte d’eau dans la mer face à leur vulnérabilité avec la chronicité de ses effets attribués au changement climatique. Ici, s’observent en particulier les limites de la centralisation de la gestion des catastrophes naturelles au Tchad du fait que les collectivités (surtout les communes) et les populations touchées ne soient considérées comme la première ligne de défense face aux aléas climatiques. D’ailleurs, arrêtons d’assimiler les personnes sinistrées et les vulnérables à des assistés qu’on déshonore par nos shootings pour quelques graines de riz.
Pour la création d’une structure nationale
L’un des principes directeurs du Cadre de Sendai dont le Tchad avait pris part, stipulait que chaque Etat est responsable au premier chef de la prévention et de la réduction des risques de catastrophes. Vu les incidences désolantes de cette année, l’heure n’est plus à l’attentisme car le pouvoir politique ne doit plus encore attendre pour qu’une autre catastrophe naturelle ait lieu pour agir tout comme nous ne devons plus percevoir ces catastrophes comme des évènements aléatoires et imprévisibles. Raison pour laquelle, il est primordial qu’à l’échelle nationale une stratégie de prévention, de gestion et de réduction des risques de catastrophe soit soutenue par le pouvoir politique, centrée sur la communauté dans le but de réduire les vulnérabilités et renforcer les secteurs marginalisés.
En outre, la récurrence des catastrophes de type hydrométéorologiques oblige le pouvoir politique à revoir les anciennes recettes improductives et changer de fusil d’épaule. Depuis Yokohama (1994), on sait pertinemment que la réponse humanitaire seule ne suffit pas si elle n’est pas suivie d’une préparation aux dangers pouvant réduire les impacts (répondre à la fois aux besoins de base et ceux de redressement sans oublier les alertes). Cependant au Tchad, on préfère faire la sourde oreille en dépit des meurtrissures. Or depuis 2015, le plan d’action nationale de renforcement de capacités pour la réduction des risques de catastrophe, la préparation et la réponse aux urgences (PAN-RRC 2015-2020), avait recommandé la création d’une structure chargée de la coordination de la RRC.

Alors face aux nouvelles menaces des catastrophes naturelles, il urge de trouver la bonne formule afin que la réponse soit à la fois proactive et permanente au sein d’une seule structure. S’il est incontestable qu’au Tchad, les catastrophes naturelles ont pour corollaire les conflits communautaires, fonciers et agropastoraux, une extension des missions de la structure à créer englobant la gestion et la prévention des crises, conflits communautaires et urgences sanitaires s’avère salutaire. « Un médecin qui peut prévenir les maladies est plus estime que celui qui travaille à les guérir » dixit le cardinal de Richelieu.
Au-delà de la perception traditionnelle de la catastrophe naturelle jugée trop fataliste, la gestion de cette dernière par la planification obéit à un cycle linéaire allant de l’atténuation au redressement en passant par la préparation et la réaction (UNISDR, 2015). Donc méconnaitre le cycle de gestion des catastrophes, c’est naviguer sans gouvernail sur un océan.
HASSANA DJIDDA ABDOULAYE
Diplomate, auteur et enseignant à l’ENA
Spécialiste en gestion des crises et post-conflit