Les chefferies traditionnelles sont chargées de la prévention et du règlement des conflits dans leur terroir. Elles sont aussi gardiennes des us et coutumes. Elles sont souvent la chasse gardée des hommes mais dans la province de la Tandjilé, une femme est cheffe traditionnelle. Elle s’appelle Djangbeye Habdekebeng Rebecca, cheffe de canton de Touba. Qui est-elle ? Portrait de l’unique chef de canton femme.
Teint noir, collier au cou, affable, dans sa robe africaine, Djangbeye Habdekebeng Rebecca, la soixantaine, est la fille du feu chef de canton Djangbeye Malloum, décédé le 14 janvier 2014. Ingénieure de formation, spécialité Génie rural, Djangbeye Habdekebeng Rebecca est l’actuelle cheffe de canton de Touba, département de la Tandjilé centre, province de la Tandjilé. Elle est aussi responsable du développement social-genre du Programme interdépartemental d’adaptation au changement climatique (PIDAC). « Lorsque mon père sentait sa mort, il m’a légué le pouvoir. Il y a moi et mon petit frère. Mon petit frère a bien voulu que je prenne le pouvoir et c’est depuis 2014 que j’exerce. Je suis en fonction depuis 10 ans », dit-elle.
Sa Majesté Djangbeye Habdekebeng est l’aînée d’une famille de dix enfants. « En ce moment, on est six en vie dont quatre filles et deux garçons », précise-t-elle. Selon elle, le pouvoir n’est pas seulement l’apanage des hommes. D’après elle, la question de sexe n’est pas un obstacle. « Il n’y a pas un texte qui dit que tel ou tel pouvoir n’est que pour les hommes. Mon papa a vu en moi quelque chose et ce n’est pas fortuit qu’il a légué le pouvoir à sa fille, à moi, bien qu’il ait des garçons. J’ai accepté cette responsabilité. J’ai pris le pouvoir et je l’assume jusque-là. En fait, il n’y a pas un travail qui ne peut concerner que les hommes. Les femmes et les hommes sont égaux ».
La cheffe de canton relève que les difficultés et les préjugés sont les propres de nos sociétés, surtout lorsqu’on est une femme. Mais dit-elle, quand on est devant une situation, on est obligé de s’y mettre avec conviction. Elle ajoute qu’un adage dit, vouloir c’est pouvoir. « Il ne faut jamais avoir peur d’écouter les préjugés et les critiques. Ce sont des obstacles au progrès dans la vie. Il faut affronter la vie en face. Ce que les autres font, je me mets à leur place pour le faire. Point », signifie-t-elle. Lors de sa nomination, poursuit-elle, c’était étonnant pour tout le monde. Pour elle, jusqu’à présent beaucoup de Tchadiens ne savent pas qu’il y a une femme cheffe de canton au Tchad. Sa majesté rappelle qu’à la première conférence nationale des chefferies traditionnelles, quand elle s’était présentée, il y avait des murmures dans son dos, mais elle a fait fi de cela et à assumer ses responsabilités jusqu’à la fin des travaux. « Je me souviens encore, comme hier, de ce moment-là, deux chefs de cantons se sont levés pour dire non, encourageons notre sœur. C’est historique pour le Tchad. Il ne faut pas murmurer. Maintenant, tout le monde est autour de moi pour m’encadrer et m’encourager, c’est un plus », dit-elle émue. Sa majesté Djangbeye Habdekebeng Rebecca, indique qu’il y a encore des machos de certains villages qui essayent de contester son autorité. « Je les remets à leur place. Ma force provient du soutien de ma population », clame-t-elle, fermement.
Elle déteste l’hypocrisie
Djangbeye Habdekebeng Rebecca gère aisément ses deux fonctions notamment celle de cheffe de canton et de la responsable du développement social-genre du PIDAC. L’ingénieure en Génie Rural se montre très pragmatique. « Je sensibilise ma population sur l’unité qui fait la force, capable de braver toutes les difficultés. Ce qui me marque depuis six ans c’est la collaboration avec ma famille et le peuple de mon terroir autour de moi. Mes chefs de villages me respectent, ma population aussi. Lors de nos réunions, on discute très cordialement sur toutes les questions et on trouve toujours de solutions », affirme-t-elle.
La cheffe affirme que c’est le courage et la grâce de Dieu qui la guident en ce moment. Elle dit avoir en horreur l’hypocrisie. « je suis toujours impartiale sur la question du règlement des conflits », confie-t-elle. Selon la dépositaire des us et coutumes de Touba, pour être un bon leader, il ne faut pas tenir compte des « ont dit ». « Je tranche les conflits sur la base des faits réels et d’une manière claire et véridique », insiste-t-elle.