Alors que le Tchad célèbre son 64e anniversaire d’indépendance ce 11 août 2024, la question de la visibilité et du rayonnement de la culture tchadienne sur la scène internationale demeure préoccupante. Nguinambaye Ndoua Manassé, président de la coalition tchadienne pour la diversité culturelle, a dressé un bilan mitigé de l’état actuel du secteur culturel du pays lors d’une interview accordée à l’occasion de cette journée commémorative.
Le Tchad souffle sur ses 64 bougies, Ndoua Manassé, activiste culturel, appelle à l’action pour que la culture du pays trouve la place qui lui revient sur la scène internationale. « En tant qu’activiste dans le secteur, je me dis que le regard est très mitigé. Nous nous rendons compte qu’aujourd’hui, nous n’avons pas véritablement trouvé nos marques culturelles, celles qui devraient véritablement nous identifier comme c’est le cas dans d’autres pays », a-t-il déclaré.
Il a particulièrement regretté la disparition progressive de certaines formes d’art autrefois florissantes au Tchad. « À une certaine époque, le théâtre était à un haut niveau. Aujourd’hui, nous n’avons plus de théâtre, ni de comédiens. Il y a quelques humoristes, mais ils ont encore besoin de travailler pour parfaire leur art ».
Sur le plan musical, Ndoua Manassé a souligné une dépendance persistante à l’égard des influences étrangères, en particulier celles venant du Congo RDC. « Nous voyons des balbutiements depuis les années 60, avec une formation musicale reçue du Congo. Beaucoup de Tchadiens pensent aujourd’hui que la rumba est notre propre rythme musical, alors que nous sommes en réalité en train de promouvoir la musique congolaise. Les artistes tchadiens suivent les tendances sans véritablement créer un style propre, ce qui entraîne un manque de pionniers. Il est essentiel de multiplier ces pionniers pour permettre aux jeunes de s’identifier à leur propre culture ».
Concernant la littérature, Ndoua Manassé a reconnu la présence de nouveaux auteurs mais s’interroge sur la qualité et le contenu de leurs œuvres. « Nous avions quelques grands noms dans la littérature, et aujourd’hui, beaucoup écrivent mais il faut examiner si le contenu et la qualité représentent une richesse dont nous pouvons être fiers ».
La danse, autrefois, un fleuron de la culture tchadienne, a également été mentionnée comme une occasion manquée. « Notre ballet national nous a ramené des prix dans le passé. Si les dirigeants avaient été conscients de l’importance de ce succès, cela aurait pu marquer le début d’une véritable reconnaissance culturelle du Tchad sur la scène internationale », a-t-il déploré.
Ndoua Manassé a aussi abordé la question de la valorisation des sites patrimoniaux du Tchad, comme ceux reconnus par l’UNESCO, ainsi que du crâne de Toumaï, qu’il considère comme un symbole unificateur. « Beaucoup de Tchadiens ne connaissent même pas ces sites. Il manque une véritable communication et valorisation pour promouvoir ces richesses et vendre le Tchad à travers ce qui est reconnu mondialement ».
En conclusion, Nguinambaye Ndoua Manassé a lancé un appel au sommet de l’État pour une reconnaissance et un soutien accrus à la culture tchadienne. « Il faut que les dirigeants reconnaissent la valeur de la culture, qu’ils lui donnent les moyens nécessaires et l’accompagner véritablement. Si les dirigeants s’engagent dans cette voie, toute l’administration et les institutions suivront. C’est un plaidoyer pour que la culture tchadienne soit véritablement consommée et valorisée par tous les Tchadiens ».